« L’homme qui a vendu sa peau » en route vers un oscar ?
C’est sans nul doute la sortie la plus attendue de l’année pour le cinéma tunisien. L’Homme qui a vendu sa peau confirme Kaouther Ben Hania comme une réalisatrice de stature internationale. Sa sortie quasi simultanée en Tunisie et aux États-Unis devance de quelques jours la cérémonie des oscars. Le long métrage y est en compétition dans la catégorie du meilleur film étranger.
L’Homme qui a vendu sa peau aurait pu se contenter d’être la simple histoire d’un pacte faustien entre deux personnes situées à chaque extrémité de l’échelle sociale : l’évadé de prison syrien et l’artiste millionnaire américain. Mais, le film est bien plus. Son cynisme teinté d’humour noir, mêlé à une dose de romance, en fait une satire originale de notre époque. Le marché de l’art notamment concentre l’essentiel des réflexions. Mais, à travers lui c’est finalement à une mondialisation déshumanisante que s’adresse cette œuvre à plusieurs niveaux de lecture.
« L’homme qui a vendu sa peau » : Bande annonce officielle
« C’est un film tunisien, mais c’est surtout un film universel », juge Najoua Zouhair, l’une des actrices tunisiennes. Il dénonce « un système de frontières qui s’impose aux gens », ajoute-t-il. Tout le paradoxe de l’intrigue est justement la manière dont Sam, excellemment interprété par le Syrien Yahia Mayhani, vend son corps pour retrouver son humanité.
« Vous êtes nés du bon côté de la route », lance-t-il à l’artiste américain, joué par le Belge Koen De Bouw, à qui il expose son rêve d’Europe. Ce dernier lui répond simplement « Je ne me plains pas ». Comme si la normalité était justement de ne pas se poser de question pour voyager, mais que la minorité des êtres humains avant ce privilège ne souhaite pas savoir que les murs sont la réalité de tous les autres. C’est finalement comme une marchandise que notre héros va pouvoir jouir lui aussi de cette liberté de déplacement.
Réelle chance d’oscar
Le rôle de Sam Ali par Yahia Mayhani lui a déjà valu le prix d’interprétation masculine à la Mostra de Venise. Il est bien aidé par le reste du casting où se mêlent l’inconnue, mais néanmoins talentueuse Dea Liane et l’iconique Monica Bellucci dans un rôle secondaire ambigu comme elle semble les aimer. Le tout est porté par une esthétique très soignée, une écriture, une réalisation et une musique d’un niveau encore rarement vu en Tunisie.
Par moment, les dialogues ne font pas vraiment dans la subtilité, et l’on peut reprocher quelques longueurs au film. Mais, l’ensemble est une preuve de maîtrise de son art par la jeune réalisatrice tunisienne. Le long-métrage fera en tout cas date l’histoire du cinéma local.
Nous sommes « fiers d’avoir fait le premier film tunisien sélectionné aux oscars », s’est réjoui le producteur Habib Ataya. Ce ne sera en tout cas pas pour y faire de la figuration. Verdict le 25 avril prochain. D’ici là, L’homme qui a vendu sa peau sort en Tunisie ce 31 mars et dans les salles américaines le 2 avril. Le film sera distribué en Europe lorsque les cinémas rouvriront et fera aussi l’objet d’une sortie dans les salles du sud de la Méditerranée, selon l’équipe.